Face aux grands défis du vingtième siècle et au milieu de mutations scientifiques, culturelles et politiques qui ont secoué ce siècle considéré par certains penseurs comme le siècle de la mort, l’œuvre de l’Esprit Saint a été retentissante à travers l’exemple des deux grands papes dont l’Église proclame la sainteté le 27 avril 2014.
La révolution industrielle, les deux Guerres mondiales, avec toutes leurs retombées socioculturelles, l’installation de l’athéisme structuré dans de nombreuses sociétés, la Guerre froide qui a approfondi les clivages à l’échelle mondiale, les mutations culturelles et scientifiques qui ont ouvert des débats en matière de bioéthique et provoqué de graves atteintes à la dignité de la vie humaine, la montée d’un féminisme radical et idéologique qui a contribué à la modification du visage de la famille furent autant de mises à l’épreuve de la mission de l’Église dans un monde en pleine transformation.
Les deux papes étaient riches d’une expérience pastorale confrontée aux problématiques de leur temps. Tous les deux ont perçu l’importance du rôle des laïcs face à la nouvelle mouvance sociale qui secouait les différents secteurs de la vie socioculturelle et spirituelle, surtout en Europe. Il est également à noter que les deux papes avaient connu de près l’expérience pastorale du laïcat catholique français, confrontée aux défis idéologiques et sociaux qui avaient fortement déstabilisé les milieux ouvriers et estudiantins des années soixante : Jean-Paul II, comme prêtre envoyé par son archevêque pour connaître les nouvelle méthodes pastorales adoptées par l’Église de France, et Jean XXIII, comme nonce apostolique, qui avait profité de sa mission en France pour visiter et connaître les différentes paroisses de l’époque.
Ainsi, une fois élu, le pape Jean XXIII ouvra-t-il largement les portes de son pontificat à l’élan pastoral et social, mû par un souffle prophétique qui restitua à l’Église sa place au sein du monde de son temps. Le pape du Concile et du dialogue a pu lire les maux du siècle et percevoir la nécessité d’élargir l’approche ecclésiale en offrant des possibilités d’ouverture et de dialogue qui débloquèrent le statu quo imposé par les idéologies et les conflits d’après-guerre. La place et le rôle incisifs des laïcs, particulièrement de la femme, dans la sauvegarde de la civilisation et l’édification de la paix dans le monde était son premier souci, et son dernier testament, comme en témoigne sa dernière encyclique Pacem in terris, en 1963. De la sorte, celui que l’on nommait « Le bon pape » prépara le terrain aux Pontifes qui allaient venir après lui : Paul VI, Jean-Paul Ier, et Jean-Paul II, dont le pontificat dynamique et particulièrement riche constitua un apport décisif. Ce pape a, en effet, rempli le monde de sa présence rayonnante et de son message pertinent, et a réussi à mobiliser tous les membres de l’Église : jeunes, femmes, familles et consacrés dans la vie religieuse. Comme porte-parole de l’Église polonaise au concile Vatican II, il avait collaboré à l’élaboration du concept conciliaire central portant sur la dignité de l’homme et ses droits face à l’appauvrissement nuisible des nouvelles philosophies et leurs systèmes et il avait contribué au contenu de l’encyclique Humanae Vitae du pape Paul VI. Des années auparavant, grâce à ses études et à sa confrontation avec le milieu des jeunes, il avait longuement approfondi le sens de l’amour, de la sexualité et du mariage, ce qui lui conféra une vision anthropologique claire, profonde et bien formulée, de l’identité vocationnelle de l’homme et de la femme, du sens sublime et théologique du corps et de l’union conjugale, de la valeur sacrée de la vie humaine et de la maternité qui a sa source dans le Dieu créateur.
Nous louons l’Esprit Saint qui inspire l’Église du Christ, témoin de la Vérité de Dieu auprès des hommes ! Quel beau signe nous offre cette canonisation qui confirme l’onction divine qui confère à l’Église la sagesse de Dieu pour accompagner, dans le discernement et l’amour, les souffrances et la pauvreté des hommes ! Quelle joie et quelle espérance nous communique la découverte de la présence de Dieu fidèle et tout puissant dans l’aujourd’hui de notre histoire ! Quelle consolation nous donne le visage de Marie qui a merveilleusement marqué les pontificats de ces deux papes : grâce à Elle, ils ont pu manifester la réalité maternelle et miséricordieuse de l’Église, porteuse du mystère ineffable de l’Incarnation du verbe de Dieu.
Jocelyne Khoueiry
Le 14 avril 2014