En avril 2005, Rome fut témoin de ce qui peut être considéré comme la plus grande manifestation publique de remerciement de toute l’histoire de l’humanité. Pendant les funérailles de Jean-Paul II, des millions de personnes ont spontanément convergé vers la ville éternelle en provenance des quatre coins du monde. Tous se sont mis en rang, parfois pendant plus de dix heures, afin d’honorer, le temps de quelques secondes, la dépouille mortelle du Saint-Père. La même action de grâces est encore actuelle grâce à un flux ininterrompu de nombreux pèlerins qui, aujourd’hui encore, défilent devant la tombe du pape polonais: un signe de reconnaissance au nom de l’humanité tout entière à l’endroit d’un homme qui a consacré toute sa vie au service des hommes et des femmes de son temps – ce temps qui est encore le nôtre – dans l’amour de Dieu, au nom du Christ et comme successeur de Pierre.
Pendant tout son pontificat, Jean-Paul II, par la parole et par des gestes concrets, exhorta tous les fidèles à accueillir leur vocation à la sainteté à travers une vraie vie chrétienne, à conserver et à transmettre la vérité du Christ au monde de ce temps, à se reconnaître pleinement dans le mystère de communion qu’est l’Eglise, cultivant un authentique sensus ecclesiae, à redécouvrir l’enthousiasme missionnaire typique de la vocation chrétienne, à embrasser dans la charité les nécessités des hommes et des peuples.
Il est tout simplement impossible d’évoquer, ne serait-ce qu’en grandes lignes, les initiatives, les événements, les documents, les voyages, les gestes et les images qui ont marqué plus de 26 années de pontificat. Pour notre part, en tant que Conseil Pontifical pour les Laïcs, nous sommes heureux de célébrer sa mémoire en commençant tout d’abord par la surprise qu’a suscitée en tous l’élection de ce pape “venu de loin”, mais que nous ici connaissions déjà très bien et dont nous avions déjà eu l’occasion d’apprécier les services en tant que “consulteur” de ce qui était alors le “Consilium de laicis” (voir la photo).
Nous n’avons pas oublié la visite colorée qu’il rendit à notre dicastère seulement quelques jours après le début de son pontificat, sans compter les nombreuses rencontres et audiences au cours desquelles il a illuminé et orienté le service et les programmes de notre dicastère. En particulier, comment ne pas nous souvenir de sa passion pour l’évangélisation des jeunes, qui déboucha sur l’«invention» des Journées Mondiales de la Jeunesse auxquelles il a toujours participé en qualité de père, maître et ami et ce, jusqu’à la fin, lorsque ses forces physiques étaient réduites au minimum! Certainement, il faut aussi rappeler le synode des évêques qu’il convoqua pour réfléchir sur la vocation et la mission des fidèles laïcs, dont le fruit, l’Exhortation Christifideles laici, de 1988, est très vite devenu et reste encore aujourd’hui la magna charta du laïcat catholique. Nous sommes heureux de rappeler également que le pape a rédigé le premier document du Magistère entièrement consacré à la dignité et à la vocation de la femme, un « hymne au génie féminin », dans lequel on trouve des intuitions fondamentales sur la fonction incontournable des deux sexes pour l’enrichissement de tout le genre humain. Pour nous, son initiative de réunir les mouvements ecclésiaux et les communautés nouvelles reste inoubliable. En effet, en mai 1998, aux centaines de milliers de membres des ces mouvements et communautés venus à Rome pour le rencontrer, il s’adressa avec les mêmes propos d’accueil, d’affection et de soutien qu’il avait toujours eus à leur égard pendant tout son pontificat, définissant ces nouvelles réalités associatives comme « providentielles » pour l’Eglise. Personne n’a oublié ses voyages apostoliques, pendant lesquels, comme pèlerin, il visitait les sanctuaires mariaux, s’adressait directement aux peuples comme à des interlocuteurs directs, et spécialement aux pauvres, afin de réunir toute l’humanité en une étreinte de la caritas Christi! Rappelons le grand jubilé de l’an 2000, avec ses rencontres extraordinaires avec les jeunes et les familles, avec les travailleurs, les entrepreneurs, les universitaires, les politiciens et les artistes, afin que Christ soit annoncé dans les tous les domaines de la vie. Nous nous souvenons de lui lorsque, souffrant, il supportait pleinement et avec courage sa longue et douloureuse maladie, tandis qu’il complétait dans sa chair ce qui manque aux souffrances du Christ, en un élan d’offrande rédemptrice en faveur de tous les hommes.
Jean-Paul II était bien conscient du fait que le Concile inaugurait l’aube du troisième millénaire, « le fondement et le début d’une gigantesque œuvre d’évangélisation du monde moderne, convoqué en un tournant de l’histoire de l’humanité où des devoirs d’une extrême gravité et ampleur attendent l’Eglise » (Jean-Paul II, Discours aux participants du VI symposium du Conseil des Conférences épiscopales d’Europe, 11 octobre 1985,14). Il n’omit jamais d’exhorter les fidèles laïcs à l’engagement en faveur de la nouvelle évangélisation : nouvelle par son élan, sa méthode et son langage. Il nous a aidés à comprendre que l’évangélisation n’est pas un problème de plus, un appendice de l’expérience chrétienne, mais l’enthousiasme de partager le don extraordinaire de la rencontre avec le Christ qui, gratuitement et joyeusement, se communique de personne en personne, de famille en famille, de communauté en communauté. C’est pourquoi il invita les jeunes à devenir des « sentinelles du matin », il les exhorta à s’engager dans le monde de la culture, des télécommunications, dans le monde du travail et de l’organisation sociale, dans la vie publique des nations. Il les encouragea à « ouvrir les portes au Christ » dans tous les domaines de la vie publique, abattant ainsi les murs de l’injustice, du mensonge et de l’oppression. Il renforça l’unité de l’Eglise, son adhésion à la vérité. Il enrichit et relança la doctrine sociale de l’Eglise. Il se fit le guide d’un protagonisme renouvelé des chrétiens dans les nouveaux scénarios sur la scène internationale.
Par sa béatification l’Eglise reconnaît officiellement sa totale adhésion au Christ et le propose comme modèle pour tous. Son regard est resté toujours fixé sur le visage de Jésus, sur la profondeur du mystère de l’incarnation et de la mort et résurrection rédemptrices. Ce qu’il exigeait de tous les fidèles, il le vivait lui-même, à la première personne, et se donnait à voir à tous. Il savait bien que la proposition chrétienne ne pouvait en aucun cas être réduite à un sentimentalisme spiritualiste ou à une idéologie religieuse, et encore moins à la simple recherche des conséquences morales, sociales, culturelles ou politiques d’une foi prise pour acquise, selon une conception toujours plus distante de la réalité. Son pontificat a été une forte exhortation adressée à tous les baptisés afin qu’ils redeviennent mendiants de la grâce de Dieu, comme il l’était lui-même, seul moyen efficace de rencontrer vraiment Jésus-Christ, et de revivre avec Lui son expérience de nouveauté, de force persuasive et d’amour vécue par les premiers disciples à leur première rencontre avec le Seigneur sur les rives du Jourdain.
Pour tout ceci, et pour bien d’autres choses encore, nous remercions Dieu du fond du cœur pour le don qu’Il a fait à l’Eglise et à l’humanité de l’extraordinaire figure du Bienheureux Jean-Paul II. Nous confions à son intercession l’Eglise de notre temps, les intentions de son successeur, Benoît XVI et notre travail quotidien d’accompagnement et de soutien aux fidèles laïcs dans leur vocation et leur mission au sein de l’Eglise et dans le monde contemporain.
